08 octobre 2017

‘Umar, al-farûq "celui qui établit la distinction"



Pendant que se déroulaient les évènements en Abyssinie, un autre évènement, extraordinaire, vint à se produire à La Mecque : le prestigieux Omar Ibn Khattab, du grand clan des Makhzoumites avait embrassé l’Islam. Il venait d’être touché par une grâce d'una façon aussi soudaine que définitive.
Ce « Saint Paul de l’Islam », comme l’appelle Renan, était une âme pleine de passion et d’intransigeance. Le départ pour l’Abyssinie des Mouhajirûn, parmi lesquels il comptait des amis, l’avait affecté.
Un jour, ayant entendu que le Prophète Muhammad (PSL), auteur de tous ces maux, tenait une réunion clandestine dans un des faubourgs de la ville de Safa, il prit son sabre et au comble de la fureur, décida d’aller tuer le Prophète (PSL). C’était là le plus sûr moyen  de mettre un terme au désordre et à la sédition qui mettaient en péril l’ensemble de la société mecquoise.
- « Où cours-tu ainsi, Ô Omar ? »
 Lui demande un de ses amis qu’il croisait en cours de route. Nu’aym Ibn ‘Abd Allah, s’était secrètement converti à l’Islam.
- « Je cherche Muhammad ce sabéen », répond Omar
Il révélait ainsi la confusion que faisait beaucoup en ces premiers temps de la Révélation, entre la prédication de l’Islam et les conceptions religieuses de certaines minorités  présentes à la Mecque. 
Il ajouta :
- « Je veux tuer celui qui a brisé l’unité des Qorayshs, ravalé ses croyances, dénaturé sa religion et blasphémé ses dieux ! 
- Tu ferais mieux d’aller voir ce que font les membres de ta famille, lui dit son interlocuteur. 
- Qui sont les membres de ma famille ? demande 'Umar, au plus haut point de son courroux.
- Ton cousin et frère de circoncision, Saîd Ibn Zayd ? et sa femme, ta propre sœur, Fatima Ibn Khattab. »
Nu’aym, prompt d’esprit, cherchait un moyen de faire diversion et  conseillait à ‘Umar de mettre de l’ordre dans sa propre famille avant de s’en prendre Muhammad (PSL). Il l’informa que sa sœur Fatima et son beau-frère Sa’ïd s’étaient en effet déjà convertis à l’Islam. Stupéfait et furieux, ‘Umar changea ses plan immédiats et décida d’aller trouver sa sœur.
Le couple était en train de lire et d’étudier le Coran avec le jeune compagnon Khabbâb lorsqu’ils entendirent que quelqu’un s’approchait de leur demeure. Khabbâb cessait sa lecture et se cachait. ‘Umar entendit qu’on récitait quelque chose. Il apostropha sa sœur et son beau-frère de façon agressive. Tous deux nièrent les faits, mais ‘Umar insista en affirmant qu’il avait bien entendu qu’ils récitaient un texte. Ils refusèrent de répondre, ce qui attisa la colère de ’Umar. Il se jeta sur son beau-frère pour le frapper et lorsque sa sœur chercha à s’interposer, il la frappa violemment et elle se mit à saigner. La vue du sang sur la figure de sa sœur eut un effet immédiat, et ‘Umar s’arrêta tout net.
A ce moment précis, sa sœur lui lança avec fougue :
« Oui, nous sommes musulmans et nous croyons en Dieu et son Envoyé. Quant à toi, fais maintenant ce que tu veux ! »
‘Umar resta interdit, partagé entre le regret d’avoir blessé sa sœur et la stupeur de l’annonce qui venait de lui être faite. Il demanda à sa sœur de lui remettre le texte qu’ils récitaient au moment de sa venue. Sa sœur exigea de lui qu’il fît d’abord ses ablutions pour se purifier. Calmé mais encore ébranlé, ‘Umar accepta, fit ses ablutions, puis se mit à lire. Comme eux, ‘Umar était de ceux, rares, qui savaient lire.
«  Tâ-hâ. Nous ne t’avons pas envoyé le Coran pour te rendre malheureux, mais comme un Rappel pour celui qui craint le Seigneur. Et comme une Révélation émanant de Celui qui a créé le Terre et les Cieux sublimes. L’Infiniment Bon qui s’est établi sur le Trône. Le Souverain des Cieux, de la Terre, des espaces interstellaires et de tout ce qui se trouve dans les profondeurs du sol. Que tu élèves ta voix ou Non ? Il connaît tous les secrets et les pensées les plus intimes. Il est Dieu ! Il n’y a de divinité que Lui ! Et il porte les plus beaux Noms. »
Sourate Tâhâ 20, Verset 1-8
C’étaient les premiers versets, et ‘Umar continua à lire la suite du texte qui relatait l’appel de Dieu à Moise sur le mont Sinaï, jusqu’à ce qu’il parvienne au verset :
"En vérité, Je suis Dieu. Il n’y a pas d’autre Dieu que Moi ! Adore-moi et accomplis la prière afin de te souvenir de moi."
Sourate Tâhâ 20, Verset 14
‘Umar cessa alors sa lecture et manifesta son engouement pour la beauté et la noblesse de ces paroles. Khabbab, encouragé par l’apparente bonne disposition de ’Umar, sortit alors de sa cachette. Il lui révéla qu’il avait entendu une invocation du Prophète (PSL) dans laquelle celui-ci demandait à Dieu de soutenir sa communauté par la conversion d’Abu al-Hakam ou de ‘Umar ibn al-Khattab. ‘Umar lui demanda où se trouvait Muhammad, et il lui indiqua qu’il était dans la demeure d’al-Arqam. 

‘Umar s’y rendit. Devant la porte, les habitants eurent peur car ‘Umar portait encore son épée à la ceinture. Le Prophète  (PSL) accepta qu’il entre et ‘Umar instantanément, annonça son intention de se convertir. 

Le prophète s’exclama : 
« Allahu Akbar ! » (Dieu est le plus grand) ; et il reçut  cette conversation comme une réponse à son invocation.
Ce « Allahou Akbar » deviendra par la suite, avec « La Illaha illa ‘Llah », le cri de ralliement de tout l’Islam.
Il n’était pas question pour ‘Umar, étant donné son caractère, de garder son islam secret. Aussitôt connue, la conversion du redoutable Makhzoumite causa une sensation énorme, en raison du profond déséquilibre qu’elle provoquait dans le rapport des forces en présence. Avec sa fougue et son courage , ‘Umar décidait d’aller voir Abû Jahl pour lui annoncer la nouvelle. Il proposait au Prophète Muhammad (PSL) de faire une prière au grand jour dans l’enceinte de la ka’ba. Le risque était là. Mais il tenait à montrer aux chefs qurayshites que les musulmans étaient dorénavant présents et déterminés . ‘Umar et Hamza connus pour leur forte personnalité, entrèrent en tête du groupe dans l’enceinte de la Ka’ba. Les musulmans y prièrent sans que personne n’osèrent intervenir.
« L’Islam de ’Umar fut une conquête (fath), son émigration (avec le prophète Muhammad (PSL) à Médine) une victoire, et son émirat (califat) une miséricorde. » Hadith d’Abdallah Ibn Massûd, reproduit par Ibn Hichâm.
A travers cette conversion, l’Islam effectuait une large percée dans le seul clan aristocratique qui pouvait rivaliser avec celui de la maison des Omeyyades, jusqu’ici virulents ennemis du Prophète Muhammad (PSL).
Le Prophète Muhammad (PSL) savait son impuissance sur les cœurs. Face à la persécution, en grande difficulté, il s’était tourné vers Dieu en espérant qu’Il guide l’un ou l’autre de ces deux hommes, dont il connaissait les qualités humaines autant que le pouvoir de renverser l’ordre des choses. Le Prophète Muhammad (PSL) savait bien sûr que c’est Dieu seul qui guide les cœurs. 
Pour certains, la conversation fut un long processus qui prit des années de questionnements, de doutes, d’avancées et de retours en arrière. Pour d’autres, la conversion fut instantanée, suivant immédiatement la lecture d’un texte ou en présence d’un geste ou d’un comportement particulier.
Les conversions qui ont pris le plus de temps n’étaient pas forcément les plus solides, et l’inverse n’était pas vrai non plus. Dans l’ordre de la conversion, des dispositions du cœur, de la foi et de l’amour, il n’est point de logique et seul demeure l’extraordinaire pouvoir du Divin. 
‘Umar était sorti de chez lui avec la volonté de tuer le Prophète Muhammad (PSL), aveuglé par son absolue négation du Dieu Unique. Puis le voilà, quelques heures plus tard, changé, transformé, au terme d’une conversion dont la source fut le texte et le sens de Dieu.
‘Umar était devenu l’un des plus fidèles compagnons de celui dont il avait espéré la mort. Personne parmi les musulmans, n’aurait pu imaginer que ’Umar reconnaisse le message de l’Islam, tant il avait manifesté de haine à son encontre. Cette révolution du cœur était un signe et portait un double enseignement : rien n’est impossible à Dieu. Et il ne faut juger définitivement de rien, ni de personne. Il s’agissait et il ‘s’agit d’un rappel à l’humanité en toutes circonstances. Se souvenir du pouvoir infini de Dieu cela veut dire apprendre de sa propre personne, à sainement douter de soi et, vis-à-vis d’autrui, à suspendre son jugement.
‘Umar avançait et devenait chaque jour un modèle pour les compagnons et pour l’éternité. Depuis le jour de sa conversion, le surnom d’’Umar ibn Khattab fut al-Farûq (celui qui établit la distinction), en référence à sa volonté de distinguer la communauté musulmane (ayant accepté la vérité du message coranique)  des qurayshites (obstinés dans l’ignorance – al-jâhiliyya).

Yathrib 786
08 octobre 2017

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