05 mars 2017

Revenir sur le qualificatif d’Ummî



Le qualificatif d’« Ummî » (littéralement « inculte », « analphabète », « illettré ») que le Coran lui-même applique au Prophète (PSL), a de tous temps fait couler beaucoup d’encre et a été l’objet d’interprétations divergentes.



Etymologiquement , le mot dérive de « Umma »  (« peuple » ou « nation »). 

Des biographes comme Maxime Rodinson n’ont pas hésité à traduire « Ummî » par « national »

Dans le contexte de l’arabe classique, le mot « Ummî » a généralement pris une connotation négative. 
 
C’est là que Bukhârî intervient pour dire : Muhammad (PSL) ne savait ni lire ni écrire et c’est bien le plus stupéfiant des miracles. La quasi-totalité des auteurs musulmans et la plus haute autorité parmi eux, le Dr A. Draz, de l’institut Al-Azâr déclare que le Coran « donne cet état d’analphabétisme comme l’une des preuves  de la divinité de son instruction »

Le prophète Muhammad (PSL) lui-même dit qu’il n’a jamais lu un livre avant le Coran ni jamais écrit :
« Tu ne récitais aucun Livre avant celui-ci ; Tu n’en traçais aucun de ta main droite ; Les imposteurs se livrent donc à des hypothèses. Voilà, tout au contraire des Signes évidents de ceux auxquels  la Science a été donnée. Seuls les injustes nient nos signes. »                           
Coran XXIX, 48-49

Régis Blachère et Denise Masson ont donné une interprétation différente. Pour eux, « Ummi » signifie « le prophète des gentils ».

Selon Hassan Abdul Kader, « Ummî » est celui qui ignorait le contenu des Ecritures antérieures au Coran (la Tawrat, la Thora ou Panteutique, l’Indjîl, l’Evangile).

Il nous faut envisager le mot à la façon du Pr Jacques Berque et de Michel Chodkiewiez pour dire que « Ummî » s’apparenterait à la notion « fitra », « ikhlâç » , « hanîf » ; trois mots qui traduisent « une spontanéité que n’a pas déformée l’altération, un état d’enfance propre à recevoir l’illumination » (cf. Le Saint Coran, traduit par Michel CHODKIEWIEZ, avec une introduction de Jacques Berque). C’est-à-dire, une ingénuité qui seule permet ou autoriserait une lecture originale et fraîche des marques de Dieu.

Cela s’applique bien au Prophète (PSL) : celui qui sait voir l’écriture divine en chacun  des aspects de l’univers.

Cette ingénuité se retrouve dans le sens du mot « Aya » : une coïncidence  absolue entre la Nature et la révélation.

Le Prophète (PSL), porteur de la Parole de Dieu, dans cette perspective est un lieu de passage, une ligne de démarcation, un isthme entre deux degrés à travers une réalité appelée « la nature illettrée du Prophète (PSL) », comme l'écrit Saïd Hosein NASR. Ce état de transition désigne l’extinction de tout ce qui est humain devant le divin.

Yathrib786

5 March 2017